Intelligence sensible, du bonheur au quotidien

A mes yeux, l'intelligence est une capacité d'adaptation positive à ce qui est, positive dans le sens où cette capacité devrait nous permettre de tendre vers un mieux-être au quotidien. Comment parler de véritable intelligence lorsque l'on utilise cette compétence à des fins destructrices pour soi, pour l'autre ou pour l'environnement ? Les personnes aux intentions limitées qui posent des actes égocentrés peuvent être qualifiées d'intellectuelles lorsque l'on fait référence à des stratégies cognitives complexes, mais cela n'a rien à voir avec la véritable intelligence qui demande pour moi un certain niveau de conscience et de respect de soi, de l'autre tout comme de l'environnement.

L'intelligence est multiple, elle est corporelle, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle. Je pense que si nous n'arrivons pas à développer notre bonheur à être dans notre quotidien, c'est justement parce certaines parts de notre intelligence naturelle sont étouffées, perverties voire tout simplement non utilisées. En l’occurrence, les abus physiques de toutes sortes font perdre contact avec l'intelligence du corps. Les violences émotionnelles à répétition pervertissent l'intelligence du cœur. On en arrive à normaliser des liens toxiques où l'équilibre de la relation "donner-recevoir" n'est jamais atteint. Il y a un abuseur et un abusé, un bourreau et une victime et pourquoi pas un sauveur qui s'invite à la table. Notre "zone de confort" n'est plus qu'une vieille habitude qui nous emprisonne et nous procure un manque certain de confort à être. Nos liens d'attachement sont complexes, parfois souffrants, souvent peu nourrissants. A terme, toutes ces manipulations nous font perdre raison. Et même si notre intelligence intellectuelle persiste, car largement valorisée, entretenue et sollicitée par notre civilisation occidentale moderne, elle est bien peu de choses au regard de notre véritable bonheur à être. Au mieux, cet intellect nous permet de faire face aux situations vécues comme désagréables en affichant un masque plus ou moins conscient ou trompeur. Dès lors, nous passons maîtres dans l'art de faire semblant pour répondre aux attentes des autres ou de l'environnement. Ayant perdu contact avec notre socle fondateur, nous sommes devenus des objets facilement manipulables.

J'ai moi-même longtemps eu à mon actif une certaine compétence intellectuelle, mais coupée de mon intelligence corporelle et abusée dans mon intelligence émotionnelle, je me sentais perdue intérieurement. J'avais beau porter le masque des apparences et la motivation pour faire de mon mieux, la vie sur Terre me paraissait éprouvante. Coupée de mon corps, loin de mon cœur, je vivais sur un nuage. Je restais accrochée aux étoiles, sauvegardant sans y mettre de mots une sorte d'intelligence spirituelle qui me nourrissait et me donnait le courage de continuer d'avancer dans un quotidien dont je ne savais prendre soin.

Mon histoire m'amène à croire que pour développer sa pleine intelligence à être au quotidien, nous devons parcourir un chemin de conscience et de réparation de ce que j'appelle notre corps de chair. En ce qui me concerne, j'ai dû revisiter l'ensemble des dimensions de ce corps de chair, c'est-à-dire ma réalité physique, émotionnelle, mentale et psychologique. Cela m'a demandé des années de travail intérieur intensif. Je suis morte mille fois pour renaître à moi-même et je ne pense pas que cela soit fini. C'est juste qu'à présent, je me connais bien et j'ai acquis une certaine facilité dans l'art de la remise en cause. J'ai appris à identifier mes mécanismes psychologiques et à me séparer des situations ou relations douloureuses. J'ai pris la responsabilité de mon bien-être émotionnel en réparant mes blessures affectives. Le soin de guérison des blessures affectives qui m'a été inspiré à cet effet fût mon principal outil de transmutation. Et peu à peu, sur ce chemin de mieux-être, l'intelligence de mon corps physique a pris le pas sur le reste. Aujourd'hui, elle est la compétence que je sens la plus solidement ancrée en moi-même. Ce corps qui pendant longtemps m'a débordée. Ce corps que j'ai rejeté ou tenté de contrôler. Ce corps en qui j'ai appris à faire confiance, me procure aujourd'hui joies et sensations vibrantes. Au cœur du monde sensible, au travers des sensations physiques, je trouve un véritable bonheur à être. J'ai atterri sur Terre, dans un corps de chair dont je peux à présent profiter, avec l'intelligence qui se nourrit de l'accueil et du respect de tout ce qui est.